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Alice Keller composes electronic music
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Votre travail porte autant sur la musique que sur la vidéo. Comment jouez-vous sur ces deux registres ?

J’ai toujours été intéressée par la musique de film, le rapport entre l’image et le son. 

Je ne fais pas du Vjing. C’est plus un travail sur les bandes son.

Je me sers des bruits de fond de mes vidéos en les transformant en petites nappes sonores qui se fondent dans mes morceaux. C’est plus l’esprit du ciné-concert que du vjing.

Quels sont les matériaux, les samples sonores et visuels utilisés ?

Je filme depuis 15 ans. Je n’ai plus de caméra depuis un moment. Le matériel s’use. Quand j’accroche des caméras sur des danseurs de hip hop pour filmer la ville à travers leurs mouvements, comme je l’ai fait il y a quelques années à Marseille, c’est normal que ça s’abîme.

Alors, je me débrouille avec ce que j’ai déjà. Je récupère des petites captations de lieux que j’ai filmés à travers la France et ailleurs sur des vieilles bandes, comme des shots tournés sur un téléphone portable. C’est fait à l’arrache. J’utilise même ces séquences où la caméra est allumée alors que tu la croyais éteinte. Je peux monter un film d’une demi-heure avec 30 secondes d’images. 

Je capte aussi beaucoup de sons qui m’entourent au quotidien, comme une machine à café qui coule, les bruits d’un chantier en bas de chez moi, des voix dans les journaux télévisés, ou celles de gens qui discutent dans le tram. Je fais ces prises de son avec ce que j’ai sous la main à un moment donné ! J’utilise aussi des samples de batteries et d’ instrus que je pioche à droite à gauche et que je déforme.

Collaborez-vous avec d’autres artistes bordelais ?

On n’est pas beaucoup à faire ce genre de musique à Bordeaux. Je me sens proche de Plim Plim. Il y a une scène à Bordeaux, mais comparés à ceux qui font du rock’n’roll, on  n’est pas nombreux à lier le côté expérimental à l’électro. Je compte sur les doigts de la main les personnes qui font ça : Neurosystem, Présence Capitale, MA Asso. Il y a quelques années, on a fait des soirées dans des appartements avec le collectif Neurosystem dont je fais partie. C’était beaucoup plus convivial que de jouer dans des salles souvent trop grandes. Je travaille depuis plusieurs années avec Baby Kruger sur le projet Pattern Out Law ». On se fait des sessions quand on se voit, mais c’est rare parce qu’elle vit maintenant en Belgique.

Vous venez de l’art contemporain. Comment êtes-vous devenue Alice Keller ?

J’ai fait de la sculpture sonore et des dispositifs pour des expos pendant 15 ans. J’ai aussi pas mal vadrouillé dans des résidences d’artistes au fin fond du trou du cul de la France. L’art contemporain demande de gros dispositifs, de l’argent et de l’espace. C’est dur de gérer ça toute seule. J’avais envie de créer un autre projet, ça a été A lice Keller. Je ne suis pas du tout musicienne à la base. Alors, je me suis intéressée à la musique concrète et j’ai passé beaucoup de temps à apprendre sur des logiciels, à me faire ma propre cuisine. Je choisis mes morceaux et mes visuels en fonction de la scène et du public. J’aime m’adapter aux propositions qu’on me fait. C’est une prise de risque à chaque fois.  Je trouve ça plus vivant. À l’heure actuelle, en tant qu’artiste, je trouve qu’exposer une œuvre dans un musée, c’est la faire mourir. Je ne devrais pas te dire ça, mais soyons punk ! Je préfère faire vivre mon projet en live. Au départ, je ne m’étais d’ailleurs jamais dit que j’allais faire de la scène. 

Je pensais faire de la musique de film ou de studio. Puis on m’a proposé de monter sur scène et j’ai accepté, même si je suis quelqu’un de timide.

Vous ne vous appelez pas Alice Keller dans le civil. Pourquoi ce nom de scène ?

Cette question m’énerve. C’est juste un pseudo, comme en littérature, qu’on utilise pour faire exister des fictions. C’est la signature du travail que je fais. J’ai trouvé ce nom pour faire vivre mon projet. C’est un clin d’œil à mon arrière-grand-mère qui s’appelait Keller. C’est aussi une référence à Art Keller. C’est l’un des pseudos de l’artiste Paul Devautour, qui insère des textes situationnistes dans des peintures de personnages de BD. Je suis une héritière des fictions de ce personnage fictif.

[propos recueillis par Annabelle Georgen]
Alice Keller, concert visuel, mardi 17 mars, 21h, Utopia.
E.Motion, circuit électronique multimédia, du vendredi 27 février au samedi 28 mars.

Renseignements www.neurosystem.org

Alice Keller sortira en juin son premier album 9 titres sur le label allemand Umbruch Recordings

www.myspace.com/alicekeller
www.myspace.com/umbruch
http://issuu.com/spiritbordeaux/docs/spirit48light/908

Elle sculpte les sons et les images comme des matières concrètes et s’amuse à brouiller les pistes en les enchevêtrant dans des plages atmosphériques noise et indus. L’énigmatique artiste bordelaise Alice Keller est en concert visuel

mardi 17 mars, au cinéma Utopia. Une des étapes phares du circuit électronique multimédia E.Motion.