SABDAM ou Alice KELLER
Née en 1971 à Toulon. Vit à Bordeaux
Les instruments sont là, sur la platine. La musique est en boîte. Des gobelets vides emportés et mixés par le vent et la musique. Cela pourrait être un autoportrait lors d’un moment de perception aiguë du monde. Le corps s’engage afin de filmer la vitesse, l’espace et le son de motos. Il se munit de prothèses, une construction d’appareillage insensé, telle, par exemple, une perche de caméra imaginée afin de saisir sans trucage le vol en boucle des mouettes. La vidéo peut également s’engouffrer dans la foule des gares lorsque retentissent les signaux sonores indiquant la fermeture imminente des portes. Une tension se crée, souffle, énergie. Sabdam “boxe” avec les images, leur flux, leurs sons en soignant le rythme du montage qu’elle ne cesse de tenir sur le fil de la mémoire jusqu’à ce qu’advienne l’amnésie. Sabdam se réapproprie la musique selon un cheminement propre au processus de création musicale. Le nom d’un groupe fictif apparaît comme il se doit sur la batterie et les amplis : “UNDO/ADD” (enlever/ajouter). Ce terme correspond à un effet que les musiciens utilisent sur la table de mixage. L’artiste a choisi le vocabulaire approprié à la façon dont les compositeurs de musique électronique jonglent avec le rock, en réutilisant, par exemple, des sons punk de la fin des années soixante-dix. En énonçant de façon emblématique ses repères, Sabdam évoque un moment fort, celui où l’artiste utilise l’énergie de la transe. Alors s’ouvre un monde de rythmes, de sons et d’images qui transpirent, jusqu’à transmettre cette dépense violente.
De quel temps s’agit-il ici ? Les divers éléments nous immergent dans un monde où la platine disque est une scène recyclée mais également une sorte de boîte à musique où tournent inexorablement des instruments. Les câbles sortent du mur (“alone”, 2000), suspendant une guitare ainsi qu’un ampli. Le bras de la platine disque sort du mur et sert de support à la boîte à images( “présonorisation back head”/ tête de lecture, 2002). Les sons sortent, les images affluent. Une projection vidéo, une vidéo, “street corner” (2002) couvre une paroi jusqu’à ouvrir l’espace d’exposition sur un autre espace, un espace extérieur qui nous vient en pleine face, les images et les sons partent en vrille et en trilles, battement toujours recommencé, tension qui monte jusqu’à se cogner la tête contre les murs.